Mystérieuses, sinistres, des forêts touffues et sauvages s’étendaient aussi loin que portait la vue sur les monts d’Auvergne. Chassés depuis toujours par les envahisseurs, Sarrazins, Normands, les hommes de ce temps là vivaient de l’élevage d’une poignée de chèvres et de moutons. La vie était rude, à l’image du climat. Personne jamais ne se risquait dans les sous-bois obscurs. Peuplés d’animaux sauvages, ces futaies impénétrables étaient le domaine des loups.
Le conte se déroule dans un hameau sous le Roc de Courlande, oublié au fil des siècles, recouvert par la végétation. Fiché dans le sol comme une grosse dent dans la gencive, ce mont est le mont élevé des Dores ; il se dresse un peu en contrebas de la chaîne de montagnes. Il n’y avait là que quelques chaumières. L’une des maisons était celle de Raoul, le père de la petite Tiennette la plus jeune de ces enfants mais la plus rusée et audacieuse.
L’hiver arrivait vite pendant cinq mois jusqu’en avril parfois, les rafales de neiges balayaient tout. Mais le pire l’hiver, tout au long de l’hiver, c’étaient les loups. Lorsque, dans les tourbillons de neige, leurs hurlements tous proches déchiraient la nuit, les cœurs se glaçaient d’épouvante. Barricadées dans leur appentis, les brebis bêlaient d’effroi. La meute de loup féroce était menée par un loup hors du commun. Bête colossale, au poitrail large et bien fourré, aux pattes énormes et velues, à la queue touffue comme d’un renard, au mufle puissant, aux yeux jaunes flamboyants et pleins de ruse cruelle. Un soir d’été un paysan avait aperçu une bête tapie dans le sous-bois fourrure luisante d’une couleur si singulière : un loup couleur d’or ! Un loup de cette taille, et tout doré ! Sûr, c’est là quelque diablerie !
Un matin, vers la fin de l’automne, Tiennette partit comme chaque jour avec ses brebis et sa quenouille. Elle gagna la pâture et commença à filer. Pour mieux surveiller ces bêtes, Tiennette s’était installée tout près des arbres de bordure. Soudain, les brebis s’enfuyaient en tous sens avec des bêlements affolés. La fillette couru derrière son troupeau éparpillé.
Elle sentit une présence et se retourna, debout à l’orée du bois, énorme et splendide se trouvait le loup au pelage d’or. Le monstre voulu faire qu’une bouchée de la fillette au goût sûrement délicat de la viande d’un faon nouveau né. La fillette rapidement rompait le fil qui attachait le fuseau et pris dans ses mains la belle pelote déjà réalisée et en enroula une partie autour de son bras. - Eh bien, cria t'elle d’une voix qui ne tremblait pas, qu’est-ce-que tu attends, Loup, pour me dévorer ? Allons, approche, je n’ai pas peur de toi, Tu n’es qu’un grand chien jaune ! Sûr de lui, il se rapprocha et ouvrit sa gueule immense et bondit sur la fillette, celle-ci lança de toutes ses forces la pelote de laine dans la gueule du loup d’où dépassait un peu la pointe du fuseau qui se coinça dans le gosier de la bête. Le loup se secoua se démena comme un diable, il tentait de se racler la gorge, et tentait d’arracher la pelote’ diabolique qui l’étouffait. La jeune fille suivait les secousses du loup par le fil attaché à son poignet. Le loup épuisé s’allongea dans l’herbe, il se voyait déjà mort succombant aux fourches des fermiers alertés par les cris de la fillette.
Tiennette n’alerta personne elle dit au loup :
- Loup de Courlande, je te laisserai la vie sauve si tu me jures que ta meute et toi, été comme hiver, ne sortirez plus des forêts.
Le loup vaincu inclina la tête pour dire oui.
- Si tu t’en dédis, ajouta Tiennette, la prochaine pelote avalée signera ton arrêt de mort, préviens tes frères, tu ne te sauveras pas deux fois.
Elle s’approcha du fauve, plongea la lame d’un couteau dans la pelote et la retira d’un coup sec. La bête s’éloigna tête basse.
Depuis lors, les loups restèrent en forêt, Tiennette admirée de tous vécut longtemps au pied de ses montagnes et l’herbe d’automne sur l’échine du Roc de Courlande prit des reflets d’or, il se raconte encore, aujourd'hui, l’histoire de la fillette triomphante du monstre...